« Un prince et demi », le troisième film d’Ana Lungu, a eu sa première mondiale à l’édition 2018 du Festival du film de Sarajevo. Il est sorti en salle en Roumanie en septembre dernier.
Le film raconte l'histoire d'un trio surprenant. Il s'agit de trois personnes qui habitent en colocation dans un appartement bucarestois: un père divorcé, une femme seule et un homme gay. Dans ces rôles, on retrouve respectivement Marius Manole, Iris Spiridon et Istvan Teglas. Leur vie commune se gâte lorsque la fille tombe amoureuse d'un écrivain magyar de Transylvanie, joué par László Mátray. Ecoutons Ana Lungu, la réalisatrice du film:« Dans le film « Un prince et demi », je suis le fil rouge de mes projets antérieurs. Cela est encore valable, même au niveau de la démarche. Par exemple, lors de mon premier film, intitulé « Le ventre de la Baleine », l'on est parti à deux à l'aventure, avec mon amie, Ana Szel. Cette fois-ci, ce fut Iris Spiridon, une autre bonne amie. Dans les deux cas, on a décidé d'écrire le scénario, nous inspirant d'événements qui leur sont arrivés, et donc chacune d'elles a joué en fait son propre rôle. Ces films se veulent une sorte de restitution, ils essayent de faire revivre un certain monde, une certaine catégorie de la population, celle des gens qui ont aujourd'hui 30 à 40 ans et qui se cherchent encore. Des inadaptés, en quelque sorte. C'est ce qui explique le choix des personnages: un père divorcé, un homme gay, une femme seule. Mais je crois que ce qui caractérise cette génération dont je fais partie c'est qu'elle va à l'encontre de l'image classique, traditionnelle de l'âge adulte. Je n'essaye pas de juger, mais la famille telle que je l'ai vécue dans mon enfance, la famille traditionnelle disons, est en voie de disparition. Et ce thème me hante, et il hante aussi Iris Spiridon, la coscénariste du film. »
.L'actrice Iris Spiridon, interprète et coscénariste dans le film, interprète le rôle d'un personnage plutôt bizarre. Tombée, petite, amoureuse de Jésus, elle lit un livre tous les jours, et ne prend de rôle que dans les spectacles qui lui parlent. Iris Spiridon:« Ce film est celui de nos obsessions, les miennes et celles d'Ana. Ces choses-là, on les ressasse depuis des années. On en parle entre nous et avec nos amis, alors on est arrivé à pouvoir en parler sans faux-fuyants. Moi, je n'aime pas les banalités et alors, parfois, il m'arrive de demander à de parfaits inconnus des choses un peu saugrenues. S'ils croient en Dieu, que pensent-ils de l'amour, des choses sérieuses, quoi?. Et il arrive que mes interlocuteurs soient heurtés, qu'ils commencent à avoir peur face à ce genre de questions, alors que moi, je trouve que c'est le seul moyen de ne pas gaspiller mon temps et d'aller à l'essentiel. Avec Ana, on a décidé de faire entrer dans le film ce thème de la mort. C'est un thème qui me hante et qui est présent dans tous mes spectacles. Pendant le tournage, un de mes amis est mort. Cela nous a amenés à devoir y réfléchir encore plus sérieusement. Mais tout est parti de mon amitié pour Marius et Istvan, et je me rappelle avoir écrit à Ana qu'il serait dommage que ce genre de relation ne soit pas transposé dans son film. Ces choses-là sont en fait éphémères, mais il faut qu'elles restent quelque part, d'une quelconque manière, c'est important, car il s'agit de notre jeunesse. »
Comment tourner entre amis, avec un budget dérisoire, sans subventions de la part du Centre national du Cinéma et avec des personnages qui jouent leur propre rôle ? Ana Lungu explique : « C'est tout à fait ce que disait Iris, ou encore l'acteur Marius Manole, c'est un film que l'on répète depuis que l'on se connaît, depuis environ 15 ans. Ce scénario je l'ai écrit et réécrit avec Iris pendant deux ans. On s'est aussi amusé, mais on est aussi passé par des moments limite. On répétait les scènes du film encore et encore, on les filmait, puis, à la fin, nous choisissions la scène qui nous semblait la plus juste. Voilà notre façon de faire. Et je crois que le fait de manquer d'argent nous a servi, car on a travaillé avec une équipe minimaliste. Et moi, j'adore travailler ainsi, parce que je crois que cela favorise le jeu naturel des acteurs ».
En plus des acteurs déjà mentionnés, à l'affiche du film « Un prince et demi », on retrouve Radu Afrim et Razvan Mazilu, dont leurs professions, de metteur en scène et respectivement de chorégraphe, ne laissaient en rien présager de leur talent d'acteur de cinéma. (Trad. Ionut Jugureanu)
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