Le pays s’y était engagé avec un grand enthousiasme, mais celui-ci n’allait pas tarder à s’effilocher...
La Première Guerre Mondiale est également connue sous le nom de „Grande Guerre”, car le monde n’avait plus vécu jusque là des atrocités aussi grandes. A l’instar de tous les autres pays, la Roumanie s’y était engagée avec un grand enthousiasme, mais celui-ci n’allait pas tarder à s’effilocher. Au bout de deux ans de neutralité, en août 1916, l’armée roumaine entrait en guerre du côté de l’Entente. Elle pénétrait en Transylvanie, province de l’Empire austro-hongrois, habitée majoritairement par des Roumains. 4 mois plus tard, en décembre 1916, la capitale, Bucarest, était occupée et les institutions de l’Etat se virent contraintes de déménager en Moldavie. En 1918, la Roumanie, qui se retrouvait dans le camp des vainqueurs, passait de l’agonie à l’extase.
Les témoignages puisés dans les archives de la Radiodiffusion roumaine font découvrir l’image d’un pays en état de guerre et dont le peuple avait fait de son mieux pour vivre dans un monde meilleur. Dans une interview datée de 2001, le général Titus Gârbea se rappelait l’atmosphère exubérante qui régnait dans la société roumaine à la veille de la guerre: "Mon père était un descendant de Tudor Vladimirescu, de Gorj, ma mère était originaire de Făgăraş. Mon grand-père maternel avait fait des études à Vienne, puis en Italie. Comme il ne pensait qu’à son Italie, il avait fait apprendre l’italien à ses propres enfants et à son épouse. Une atmosphère de grand patriotisme régnait dans la maison. Je me souviens des moments où mon père nous amenait faire nos prières devant les icônes représentant les martyrs du peuple roumain: Horia, Cloşca et Crişan et Michel le Brave, bien sûr. Nous entonnions des chants et priions le bon Dieu pour qu’il préserve leurs âmes. Sur le mur d’en face trônait le portrait du roi Carol, car nous étions très royalistes, adeptes fervents de la monarchie. On chantait même « Vive le roi ». Les intellectuels contribuaient pour beaucoup à entretenir cet esprit".
Le général Constantin Durican a, lui, combattu comme infirmier: "En 1914, j’ai été appelé à l’hôpital aménagé dans les locaux du lycée Petru Rareş. On m’a attribué la charge d’infirmier sur une voiture équipée d’un brancard. Il y avait deux sections d’auto-brancards: l’une dirigée par le général Prezan, l’autre par le général Averescu. L’auto - brancard est une voiture destinée à transporter les blessés depuis les premiers points de premiers secours jusqu’à un des hôpitaux de Piatra Neamţ, qui fonctionnaient dans les écoles”.
Le politicien Constantin Moiceanu a été membre du Parti Social Démocrate, le parti anticommuniste de Constantin Titel-Petrescu. En 2000, il se remémorait les réalités du front près de sa commune natale et les relations des civils avec les Russes, alliés des Roumains: "Le front était tout près. Personne n’avait plus envie de célébrer les fêtes. Mes frères et d’autres habitants revenaient le soir, quand le calme s’installait sur le front et nous apportaient des nouvelles sur les combats et les blessés. Nous avions l’avantage de connaître le terrain. A un certain moment, on a vu venir les troupes russes. Des rumeurs couraient comme quoi les Russes étaient réputés bon viveurs et enclins à la bagarre. Les miens étaient assez aisés à l’époque. Ils possédaient un lopin de terre et un jardin. En plus, la cave de la maison regorgeait de fûts remplis de vin et d’eau-de-vie. Le jour où l’on a eu vent de l’arrivée des Russes, les villageois ont vidé tous les fûts, craignant la réaction des soldats russes ivres”.
Gavril Vatamaniuc a été l’unique survivant du groupe de résistance anticommuniste de Bucovine. En 1993, il évoquait le souvenir d’un compagnon d’origine française, détenu dans la prison de Gherla. Il avait combattu comme volontaire aux côtés des Roumains et choisi de ne plus quitter la Roumanie après la guerre: "Je ne peux pas oublier ce que m’a raconté cet homme, âgé de plus de plus de 70 ans. Jeune officier français, il était venu en Roumanie en 1916, comme volontaire, pour se joindre à l’armée roumaine qui luttait contre l’Allemagne. Blessé, alors qu’il se trouvait sur le front de Moldavie, il fut amené à l’hôpital de Iasi et soignée par une jolie jeune femme, Maricica de son nom. Une fois guéri et sorti de l’hôpital, il décida de l’épouser. Il vendit tous ses biens de France et s’installa en Roumanie comme petit fermier. Seulement voilà qu’à l’avènement des communistes, notre petit fermier fut anéanti".
Un siècle après la Grande Guerre, l’Europe garde encore un vif souvenir du conflit ayant marqué l’aube d’un nouvel âge, lui aussi jalonné de tragédies, d’exploits ou d’actes de lâcheté, d’espoirs comblés ou brisés. (trad. Mariana Tudose)
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